Fiora Garenzi

  • « Il y a quelques jours, l’immeuble de mes voisins a été bombardé. Ils étaient cinq à l’intérieur au moment de l’explosion, trois des corps n’ont toujours pas pu être sortis. On a pu sortir le corps d’une des voisines et son fils, on les a retrouvés écrasés par les décombres, blottis l’un contre l’autre. Les corps des trois autres personnes restent là, gisant sous les gravats, dans cette rue où l’on marche tous les jours, à côté de ce banc sur lequel on s’assoit. On ne marche pas sur les décombres du bâtiment, ce serait comme marcher sur leur tombe. » — Aleksander

  • Des fleurs déposées par les voisins du quartier sur les gravats de l’immeuble détruit par un missile en hommage à ceux qui sont morts dans le bombardement et dont les corps n’ont pas pu être sortis des décombres.

  • « Je m’appelle Vika, j’élève seule mes trois enfants, ma fille Karina a 13 ans, mon fils Maxime a 5 ans et mon bébé vient tout juste d’avoir un an. Leur père est parti. C’est difficile de s’occuper seule de trois enfants peu importe la période, mais particulièrement quand tu vis dans un pays qui est en guerre. Tu dois constamment prendre des décisions difficiles pour essayer de leurs apporter du confort et de la sécurité dans un contexte où rien de tout cela n’existe. Les personnes âgées restent dans des bunkers quasiment toute la journée et toute la nuit, mais pour des enfants c’est plus difficile de rester enfermés, dans le noir, sans fenêtre et sans lumière quand l’électricité ne marche pas. Je suis épuisée par la guerre, épuisée de m’inquiéter, épuisée de devoir réfléchir à rester ou partir, épuisée de savoir que mes enfants n’auront connu d’autre enfance que des années bercées par le conflit. »

  • Maxime, le fils de Vika fait sa sieste. Les fenêtres sont calfeutrées et les lumières restent éteintes même le soir pour que l’immeuble ne soit pas ciblé par un bombardement.

  • « Je m’appelle Ludmilla, j’ai 84 ans. Je suis non-voyante, ce serait très compliqué pour moi de partir de chez-moi, de quitter ce que j’ai toujours connu alors que j’ai énormément de mal à simplement me déplacer toute seule. À vrai dire, même si je pouvais partir je ne partirais pas. J’ai vécu plus d’une guerre, ce n’est pas celle-ci qui m’effraie.
    J’étais une petite fille pendant la seconde guerre mondiale. J’ai été capturée par les allemands avec un groupe d’autres jeunes, ils voulaient nous prendre comme esclaves. Ils nous ont mis dans un train en direction de l’Allemagne, mais à mi-chemin ils ont finalement préféré nous échanger contre des marchandises. Ils nous ont laissés à un arrêt de train, le long du chemin de fer. On a dû se débrouiller pour rentrer par nos propres moyens.
    Je me souviens de tout et en même temps de peu de choses. Je me souviens d’une grande fête, le jour de la victoire de l’Union Soviétique : un grand repas, des rires et des larmes, principalement de joie. Certains de mes proches ont continué à servir dans l’armée, d’autres sont rentrés pour reconstruire le pays. Depuis, j’ai eu mille vies. J’ai été gardienne dans une forêt pendant un temps, j’ai fabriqué des vêtements et même fait du sport à un niveau assez bon pour aller concourir aux quatre coins de l’Union soviétique. Malgré tout cela, je ne pense pas à une période de ma vie qui n’a pas été marquée par une situation de guerre. Tout ce que je souhaite c’est survivre à celle-ci, survivre à une guerre de plus. Je ne sais pas si la victoire de Zelensky rendrait ma vie meilleure, je ne sais pas si sa présence a un jour rendu ma vie confortable, et je ne suis pas sûre que la vie serait plus difficile si le Donbass était russe. Je parle russe et non ukrainien, je n’ai connu que la culture soviétique tout au long de ma vie. Le Donbass et ses habitants n’ont connu que la lutte et la menace d’être au centre des confrontations. Ce que je souhaite c’est pouvoir vivre quelques belles années de plus, dans la paix et sans que rien ne me soit imposé. »

  • « Je m’appelle Léna et je vis seule avec mon fils Vania. En 2014, mon fils était encore petit, il venait de commencer à parler, il faisait tout juste ses premières phrases. La guerre a éclaté. Des groupes pro-russes ont pris le contrôle de nombreux endroits et de plusieurs infrastructures dans notre Oblast (Donetsk). La situation a dégénéré : les bombardements ont commencé, c’était très stressant. Très vite j’ai vu que mon fils ne réagissait pas comme les autres enfants, il se renfermait sur lui-même. Rapidement, il s’est arrêté de parler ; il n’a plus dit un mot. Je l’ai emmené chez autant de médecins que possible, et après quelques temps l’un d’entre eux lui a diagnostiqué des troubles autistiques et m’a expliqué que les situations stressantes pouvaient le bouleverser bien plus qu’elles ne bouleverseraient un autre enfant, que c’était pour cette raison qu’il avait perdu la parole.
    Quand la Russie a lancé les attaques de février (2022), la situation s’est peu à peu dégradée. Notre ville, Bakhmout, au milieu du Donbass, est sous les bombardements constants depuis plusieurs semaines maintenant. Je sens que mon fils va de plus en plus mal et je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas si je devrais partir pour le protéger et l’éloigner de tout ça, et en même temps l’arracher à son foyer et tout ce qu’il a toujours connu, ou si je dois rester et lui faire courir un tel danger et le stress des bombardements incessants. Je ne souhaite qu’une chose c’est la paix, pouvoir avoir l’espoir d’un avenir meilleur ; mais pour être honnête je ne sais pas comment nous pourrions trouver la paix. Je ne veux pas être sous le contrôle de la Russie mais je n’ai pas non plus confiance en mon gouvernement. Le gouvernement ukrainien nous promet la sécurité et le soutien, mais dans le cas de mon fils il ne finance pas d’aides suffisantes pour pouvoir payer les médicaments et les soins dont il aurait besoin pour être stabilisé. »

  • Kiril, Andrei, Léna, et Masha, près de la balançoire en bas de leur immeuble.

  • Oleksandr, le propriétaire, était chez lui quand un missile a frappé son appartement, dans la ville de Toretsk.

  • « Je m’appelle Sergei et je viens d’un petit village à quelques kilomètres de Bakhmout. J’ai un bébé d’un mois et demi, il est né pendant la guerre, un peu moins d’un mois après le début des bombardements qui ont commencé à la fin du mois de février. Depuis sa naissance nous n’avons pas pu nous rendre dans une administration pour pouvoir lui faire faire ses papiers avec ma femme, donc il n’a aucun document. Je ne peux pas quitter l’Ukraine car je suis en âge d’être mobilisé pour combattre, et je ne veux pas envoyer ma femme loin de la maison alors qu’elle n’a aucun papier en règle pour notre enfant. Pourtant la situation est très compliquée dans le Donbass avec un nouveau-né. Dans mon village il n’y a ni eau, ni électricité et les produits minimums dont aurait besoin un bébé ne sont plus acheminés. »

  • « Je m’appelle Ola et ma meilleure amie s’appelle aussi Ola, on a 16 ans. On est au lycée, en seconde. Depuis les attaques de février les cours sont à distance, en visio, mais une grande partie de ceux qui étaient en cours avec nous ne peuvent pas y assister, parce qu’ils sont partis, parce qu’il ont d’autres soucis plus importants à gérer. Comme tout le monde ici on veut la paix bien sûr, mais contrairement à nos parents on veut que l’Ukraine reste Ukraine même si on doit y perdre beaucoup. Nos parents sont épuisés d’avoir vécu des années de conflits, mais notre génération accorde une valeur tellement importante à l’identité ukrainienne qu’elle est prête à se battre pour que le Donbass reste ukrainien. Si la Russie prend notre terre, on résistera et si l’on doit se résilier on partira, mais notre identité restera celle qu’elle a toujours été. »

  • Une arme en bois qui servait pour les entrainements dans une école primaire détruite par les bombardements près de Kramatorsk.

  • « Je m’appelle Viktor, je suis venu habiter chez ma sœur Natalia depuis le début des attaques russes car j’habitais avec ma femme au cinquième étage d’un immeuble et c’était vraiment dangereux, plus vous habitez haut dans les étages, plus vous avez de risque qu’un missile frappe votre appartement. Ma sœur habite dans une maison, c’est quand même dangereux mais c’est un peu mieux.
    Depuis plusieurs semaines nous faisons des distributions humanitaires dans notre quartier, principalement de la nourriture, des produits d’hygiène et pour bébé ; pour les gens qui ont choisi ou n’ont pas eu d’autre choix que de rester.
    Ma sœur est handicapée, elle a des difficultés à marcher et ne peut pas partir. On sait qu’on ne peut pas compter sur notre gouvernement, les salaires ne tombent plus, les aides non plus. Le gouvernement ne rembourse plus ses médicaments. Il y a quelques jours son médecin a refusé de prolonger les documents justifiant ses aides auprès de l’État parce qu’il y avait des démarches spécifiques à faire et c’était trop compliqué dans la situation de crise dans laquelle nous sommes. Alors voilà, au milieu de cette guerre, alors que le prix de la nourriture et de tout ce dont tu as besoin pour vivre ne cesse d’augmenter, sa pension va lui être coupée et elle n’aura plus aucune ressource pour vivre. »

  • « Je suis malvoyant et ma mère est âgée. Je ne peux pas partir car je dois m’occuper d’elle, mais je sais que même si ce n’était pas le cas ce serait très difficile pour moi et ma famille de quitter le pays. J’ai quatre enfants dont un qui a un handicap, et j’ai déjà moi-même du mal à faire certaines choses seul car je vois très mal. En temps de guerre la nourriture pour enfant est introuvable, les couches aussi. C’est compliqué de trouver de quoi se nourrir mais trouver des denrées destinées aux enfants c’est quasi impossible. Je ne peux pas partir, mais ici je ne peux pas prendre soin de ma famille. C’est déjà terrifiant et compliqué de continuer à vivre normalement sous les bombardements, alors sans pouvoir nourrir ses enfants...” — Raman

  • « Quand les sirènes résonnent, je ne vais jamais dans les abris, ce sont des tombes. Je n’ai pas plus peur aujourd’hui qu’il y a quelques mois, dans le Donbass on a toujours été menacés. J’ai perdu mon travail, j’ai perdu tout ce qui faisait ma vie, je ne renoncerai pas à ma terre. Pourquoi voudrais-je partir ? Je suis né ici, où est-ce que j’irais ? Qu’est-ce que je ferais ailleurs ? Je resterai ici quoi qu’il arrive. » — Vladimir, 51 ans.

  • Trou creusé par les militaires ukrainiens pour accéder au toit d’un immeuble civil afin de pouvoir observer les positions ennemies.

  • « Je m’appelle Lena et ma fille s’appelle Tania.
    Je travaillais dans le domaine viticole qui se trouve juste en bas de ma rue avant que les attaques russes de février fassent basculer la situation en Ukraine. Dès que la situation a dégénéré, les patrons des usines ont fuit le pays. Depuis plusieurs mois nous n’avons plus été payés alors que les prix ne cessent d’augmenter à cause du manque d’approvisionnement lié à la guerre. Les aides financières ne concernent qu’une toute petite partie de la population, une grand partie des habitants du Donbass ne peut même plus s’acheter de quoi se nourrir. Le gouvernement a mis en place des distributions alimentaires : quand tu arrives on écrit un numéro sur ta main et tu attends, mais quand c’est ton tour il n’y a plus rien. Notre pays est corrompu et comme dans beaucoup d’autres situations, pour les aides certains sont favorisés. La corruption fait partie de tous les domaines de la vie en Ukraine, elle est aussi présente dans la guerre et dans l’humanitaire. Si dans une telle situation on ne peut pas compter sur son gouvernement et son pays alors quand peut-on compter dessus ?
    Les gens ici (Bakhmut, oblast Donetsk) s’en fichent que le Donbass soit ukrainien ou russe, ils veulent la paix, pouvoir reprendre leur travail et ne plus se coucher ou se lever le matin en ayant peur qu’un missile tombe sur leur maison. Dans une situation de guerre ceux qui ont du pouvoir ou de l’argent fuient, ils n’y a que les gens normaux qui sont blessés ou tués. »


    « Je m’appelle Tania, j’ai 25 ans. Depuis les premiers bombardements, de nombreux habitants de mon quartier, Zabarkhmouta, ont fui. Rapidement, des soldats ukrainiens sont arrivés dans la région et ont commencé à occuper les maisons des civils, parfois sans leur consentement. Pour ceux qui vivent autour, c’est terrifiant. On a peur que les habitations occupées par les soldats soient ciblées et qu’en même temps tout le quartier soit détruit. On se sent piégé au milieu de ce conflit.
    Je ne souhaite qu’une chose c’est la fin de cette guerre et que tous mes proches aillent bien. Je veux pouvoir voyager, je veux pouvoir être libre et pouvoir envisager le futur sans inquiétude. En Ukraine, nous n’avons pas de liberté d’expression et nous ne sommes pas écoutés sous notre gouvernement, si c’est l’enjeux en étant en territoire occupé par les russes, je ne vois pas la différence avec notre situation actuelle. Nous sommes laissés pour compte. J’ai peur des bombardements, j’ai peur que les combats armés arrivent dans nos rues. Vivre dans un pays en guerre c’est à peine survivre en étant déprimé et sans espoir au quotidien. »

  • « Ça sera la tombe du prochain à être tué dans cette rue. » dit un des voisins qui passe à côté d’un trou causé par un missile qui vient tout juste de tomber dans le quartier.

  • Statue d’une église protégée en cas de bombardement.

  • « Je m’appelle Vova et j’habite dans un de hauts immeubles de la ville de Bakhmout, je couvre les fenêtres avec des tissus et des cartons, et je n’allume pas les lumières quand on a la chance d’avoir de l’électricité, pour ne pas risquer d’être visé par un missile. Je sais que c’est dangereux de vouloir rester, mais à quoi bon vivre terré dans un bunker, sans voir la lumière du jour, je ne veux pas vivre comme si j’étais déjà mort. »

  • Fumée causée par un bombardement dans le village de Pokrovske.

  • « Je m’appelle Olena et mon mari s’appelle Olek. Je suis enseignante en école primaire, les cours sont en ligne depuis les attaques de février. La majorité de mes élèves sont partis, j’entends les bombardements en fond quand certains prennent la parole en visio, d’autre sont à l’autre bout du monde. J’espérais que la guerre soit finie avant la fin de cette année scolaire… J’espère que ces enfants ne vont pas perdre encore des années aussi précieuses de leurs vies.
    Il y a deux ans, un jeune que je connaissais a été tué à cause des rivalités entre pro-ukrainiens et pro-russes qui sont particulièrement fortes dans le Donbass. Il était dans la rue, des jeunes qui parlaient russe lui ont demandé une cigarette, il a répondu en ukrainien, ils l’ont battu à mort. J’aimerais tellement fort que les nouvelles générations soient celles qui changent les choses et qu’elles puissent vivre dans la paix, mais rien de tout ça ne semble possible à l’heure actuelle.
    Mon mari est électricien et ne travaille plus depuis le début de la guerre, quand l’électricité marche, même si c’est rarement, il aide les gens gratuitement car plus personne n’a les moyens de payer. Il reçoit une petite pension mais c’est très compliqué.
    Au final le rythme de la vie continue, on se réveille à 6 heures du matin à cause des bombardements, on prend des pauses quand ça bombarde de nouveau, on vit au rythme de la guerre. Au fond, on espère qu’une seule chose : être libres, libres de nous déplacer, libres de vivre normalement, libres de parler la langue que l’on veut, libres de se rattacher à l’identité à laquelle on se sent liés. »

  • « Je m’appelle Elena, j’ai 37 ans et je vis à Bakhmout, dans le Donbass. Mon mari travaillait dans une des usines de la ville avant les dernières attaques. Quand les bombardements ont commencé, l’usine a fermé, ses trois mois de salaires précédents ne lui avaient pas été payés. On a un enfant handicapé, et avant la guerre je m’occupais déjà de mon voisin qui a fait une attaque cardiaque il y a quelques mois. Sans argent et avec des personnes qui dépendent de vous, c’est compliqué de penser rien qu’à l’idée de partir.
    Une de mes meilleures amies habite dans un village qui est à présent occupé par les russes, on était en contact par message régulièrement, je voulais m’assurer qu’elle et sa famille aillent bien. Je ne sais pas comment, mais les forces armées ukrainiennes ont été au courant et un soir j’ai été emmenée par la police qui m’a demandé de rendre des comptes au sujet de ces échanges. Ils pensaient que j’envoyais des informations aux russes. Aujourd’hui, je ne me sens en sécurité sous aucun gouvernement, sous aucune force armée, c’est comme si le peuple avait été totalement laissé pour compte. »

  • Fenêtres d’une maison protégées avec du scotch pour qu’elles n’explosent pas en cas de bombardement.

  • « Je m’appelle Kolya, j’ai 93 ans. J’habite au dernier étage de mon immeuble. Je sais que c’est le plus dangereux car les roquettes touchent souvent le haut des bâtiments ; mais j’ai perdu ma femme quelques semaines avant les premiers bombardements en février, je n’ai plus grand chose à perdre. Je préfère passer le peu de temps qu’il me reste dans cet appartement dans lequel on a partagé tous nos souvenirs. »

  • « Je m’appelle Nina, j’ai 85 ans. Depuis plusieurs semaines nous n’avons plus de gaz, plus d’électricité, c’est comme si de toute part les décidants essayaient de nous achever. Je suis restée seule ici, tous mes proches sont partis au début de la guerre, mais j’ai de la chance, mes voisins s’occupent de moi.
    J’espère que cette guerre qui dure depuis tant d’années se finira un jour, et un jour proche. J’espère que tout finira bien pour ceux qui ont déjà eu la chance de s’en sortir jusque-là. Je n’ai pas l’impression d’avoir un jour connu la paix au cours de ma vie qui a pourtant été bien longue.
    Je suis née en 1937, j’étais une enfant de la guerre, aujourd’hui je suis une grand-mère de la guerre. »

  • « Je m’appelle Yuri, j’ai envoyé tous mes proches hors du pays et je suis resté pour Nina, car elle n’avait plus personne. Dans notre immeuble nous ne sommes plus que trois, alors on essaye de prendre soin les uns des autres car on ne peut plus compter que sur nous-mêmes. »

  • Immeuble détruit par un bombardement russe. L’attaque a fait cinq morts.

  • Chapelet accroché à la structure d’un checkpoint entre les villages de Bakhmout et Pokrovske. « J’ai cette croix depuis 2014, elle me protège depuis que tout a commencé », confie un des soldats du checkpoint.

  • Station service protégée par des sacs de sable.

  • « Je m’appelle Oliana, je suis née et j’ai toujours vécu à Bakhmout. Quand les bombardements ont commencé en février, la station de gaz dans laquelle je travaillais a été fermée et les patrons sont partis. J’ai pensé à partir, sans travail, sans pouvoir me nourrir ou m’acheter de quoi survivre, pourquoi rester ? Mais ma mère et âgée, je ne peux pas la laisser, je ne peux pas l’emmener avec moi non plus. Chaque jour, quand elle se réveille, elle a oublié mon nom. Je lui dis que je suis sa fille et chaque jour, je dois lui montrer mon passeport pour qu’elle me croit. Chaque jour, les bombardements commencent à l’aube, et chaque jour, je dois lui rappeler que nous sommes en 2022 et que c’est encore la guerre. »

  • Missile non-explosé dans une rue de Lysychansk.

    Matériel militaire dans d'anciennes bases abandonnées par les soldats ukrainiens, près des habitations civiles.

  • « Je m’appelle Oleftina, j’ai 88 ans. Je suis née à Bakhmout et j’y ai vécu toute ma vie. J’ai connu presque tous les conflits du dernier siècle et je m’en suis sortie, pourtant aujourd’hui j’ai peur. Personne ne sait ce qu’il va se passer et à quel point chaque côté, Ukraine et Russie, est prêt à sacrifier ceux qui ont choisi de rester dans le Donbass pour gagner notre terre. Je me sens plus en danger que jamais, même pendant la seconde guerre mondiale je n’ai pas eu autant l’impression que la valeur de ma vie était aussi déconsidérée. »

  • « Je m’appelle Tetiana, j’ai 63 ans. Mon mari, mon fils et moi, nous sommes les derniers habitants de notre immeuble, tous les autres sont partis. Il n’y a plus d’électricité et on ne trouve presque plus de gaz alors on cuisine dehors, on fait des feux en bas de l’immeuble. On a trois fils, un est à Lviv, il a été évacué grâce à son travail, le deuxième est toujours à Sloviansk même si c’est dangereux, et le dernier est resté ici avec nous, après avoir envoyé ses deux filles et sa femmes dans l’Ouest de l’Ukraine pour les mettre en sécurité. Il ne voulait pas nous laisser seuls même si on lui a dit de partir. »

  • Dessins des petits-enfants de Tetiana sur les murs de son appartement.

  • « Des gens habitent ici » écrit à la craie sur la porte d’une maison de Pokrovske. Les trois quarts des habitants ont quitté le village qui est sur la ligne de front, au croisement des tirs.