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« Djinns et dragons » présente un portrait de l’île de Socotra et de ses habitants, questionnant les enjeux écologiques, de genre, et identitaires qui la divisent. Ce documentaire mêlant imagerie littéraire et références aux légendes qui ont façonné l’île se présente telle une énigme - il dissocie autant qu’il allie la nature avec la culture, l’ancré avec l’éphémère, l’histoire de l’île avec les histoires qui font l’île.
La matière de Socotra la détache de tout autre espace : sa biodiversité compte quelques 700 espèces qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Beaucoup de ces espèces sont menacées. Menacées par les cyclones et le réchauffement climatique - par l’abandon de l’île par le gouvernement yéménite centré sur la guerre dévastant le continent - par l’ouverture sur l’extérieur et l’arrivée du tourisme dont la gestion oppose urgence financière et urgence climatique.
Jusque dans les années 1960, des femmes de l’île de Socotra, pendant plusieurs périodes de crises - famine, sécheresse - étaient accusées de sorcellerie puis jetées en mer. Celles qui s’en sortaient rejoignaient les bateaux de passage qui accostaient par la suite sur les terres faisant face à l’île (Émirats Arabes Unis depuis 1971). Ces histoires de sorcières ne sont plus racontées, taboues depuis l’ouverture de l’île sur l’extérieur. Étonnement, les histoires de génies quant à elles perdurent et permettent d’envisager le rapport de l’île à ses femmes. Les génies occupent chaque recoin de Socotra selon ses habitants, mais l’urbanisation tend à les faire disparaître. Ce sont presque toutes des entités féminines, bonnes ou mauvaises, dont on se méfie toujours. Les femmes, quant à elles habitent l’île telle une présence fantomatique. Elles sortent tôt le matin, puis en fin de journée, dans leur niqab noir. Quand le soleil éclaire les rues, la ville est aux hommes.
Depuis presque toujours, l’île est aussi un lieu d’enjeux géopolitiques multiples. Aujourd’hui pour le pétrole, la pêche et les routes maritimes pour les puissances du Golfe - et déjà des siècles plus tôt sous la présence des civilisations grecque, islamique et portugaise, sous mandat britannique puis occupée par l’URSS. Sur les rochers de l’île de Socotra on retrouve la quête identitaire qui a marqué l’île et l’anime toujours : quelques drapeaux soqotris non-officiels effacés ; des drapeaux des Émirats Arabes Unis barrés faisant échos à la présence étrangère discutée, et surtout des drapeaux du Yémen du Sud - à Socotra l’unification entre le Nord et le Sud dans les années 1990 semble avoir pris peu de sens.
Bien sûr, l’île est marquée, en profondeur même si non touchée directement hormis économiquement - par la guerre qui ronge le Yémen depuis près d’une décennie. L’île vit principalement de la pêche, de l’élevage et de la culture de dattes, et essaie de développer depuis quelques années le tourisme. Aujourd’hui, une grande partie des jeunes cherche à devenir guides. Le tourisme se présente comme l’espoir des futures générations ; pourtant l’activité à peine lancée affecte déjà grandement le paysage et divise : il y a ceux qui veulent toujours plus d’ouverture sur le monde extérieur, et ceux qui craignent l’urbanisation et l’impact de la présence étrangère sur l’île.